Les PME / TPE sont durement touchées par la crise sanitaire. Face aux confinements successifs, les jeunes entreprises doivent trouver des solutions financières pour maintenir leur activité économique et garder l’espoir d’un avenir meilleur.
#Perspectives a rencontré Amandine ELUCCI, chargée de mission chez Initiative Grand Est Seine-Saint-Denis (93). Nous partageons ses valeurs et son engagement quotidien auprès des entreprises en difficulté.
(#Perspectives) : Pouvez-vous nous présenter votre mission au sein de ce réseau ?
(Amandine Elucci) « Dans le réseau Initiative France, j’interviens localement sur le territoire de la Seine-Saint-Denis (93) pour accompagner les porteurs de projets et les sociétés en développement sur le plan financier.
Nous proposons des prêts à taux zéro pour renforcer les apports personnels des dirigeants et ainsi obtenir un effet levier auprès des banques. Nous consolidons également les projets via notre réseau d’experts spécialisé dans différents domaines (avocats, comptables…). Nous les accompagnons sur une longue durée (jusqu’à 7 ans) pour suivre le développement et l’évolution de leur structure. Ainsi, nous allons au-delà de l’aspect financier, puisque nous validons avec eux l’aspect global d’un projet pour savoir s’il est rentable et viable à plus ou moins long terme.
Le rôle de chargé de mission est propre à chacun, pour ma part j’attache beaucoup d’importance à la relation humaine dans le financement des projets. J’essaye d’être régulièrement au contact des entrepreneurs pour mettre en place la meilleure intermédiation bancaire, mais je n’hésite pas non plus à les mettre en relation avec le réseau d’experts de la chambre de commerce de Bobigny.
Je considère que mon rôle va au-delà de la mission de financement. Je ne regarde pas uniquement les chiffres d’un projet, les qualités humaines d’un chef d’entreprise sont pour moi déterminantes à la réussite de celui-ci. Nous défendons les projets auprès des banques, nous essayons de les accompagner et de voir au-delà des chiffres ! »
(#) : Comment percevez-vous l’impact de la crise sanitaire concernant la création d’entreprises sur votre territoire ?
(A. E) « Nous enregistrons actuellement moins de demandes concernant la création d’entreprise. Le contexte n’y est pas propice et les porteurs de projets sont naturellement plus frileux.
Sur mon secteur (l’est du 93), nous avons environ 400 entreprises en cours de remboursement. Lors du premier confinement, plus d’1/3 de ces entreprises nous ont sollicités pour les aider dans leur trésorerie et notamment pour suspendre les mensualités de remboursement. Avec la fin du confinement, les entreprises reprenaient un peu d’espoir… Malheureusement, ce deuxième confinement est celui de trop.
Nous essayons de suspendre les remboursements, mais comme toutes les suspensions de paiement dont bénéficient les dirigeants, il ne s’agit pas d’exonération et les reports devront être payés à un moment donné… L’entreprise a le poids du surendettement sur les épaules. Au début, les partenaires, et notamment les bailleurs, les fournisseurs, étaient compréhensifs, mais avec cette deuxième vague cela se complique… ».
(#) : Quelles conséquences sur le moral des chefs d’entreprises ?
(A. E) « Les chefs d’entreprise que nous accompagnons nous appellent tous les jours. Bien évidemment, nous échangeons sur les problématiques de financement et ils sont, pour la plupart, conscients des enjeux et des dispositifs en cours. Cependant la discussion bascule très vite et nous sommes amenés à les réconforter sur la période que nous traversons. Souvent, ils nous remercient pour notre disponibilité et notre écoute qui s’apparente à du soutien psychologique plus qu’à du soutien financier.
Nous essayons de suspendre les prélèvements autant que possible afin que l’entreprise puisse se sortir de ce mauvais pas. C’est aussi cela la particularité de notre réseau Initiative France, à l’inverse des banques nous ne sommes pas là uniquement dans le cadre d’une logique de business. Nous avons une dimension sociale et humaine à apporter, notamment durant la crise.
Les gens se demandent : « Quand vais-je pouvoir retravailler ? », certains sont pessimistes, car ils ne voient plus la fin de cette deuxième vague. Quand d’autres font preuve de résilience et n’hésitent pas à repositionner leur entreprise sur le marché ».
(#) : Avez-vous un exemple de repositionnement face à la situation ?
(A. E) « J’ai l’exemple d’un dirigeant spécialisé dans le transport touristique qui, avec la crise, a dû revoir complètement son modèle économique. Il a passé des accords avec les hôpitaux de son secteur pour proposer ses services aux personnels soignants qui n’ont pas forcément la possibilité de prendre les transports en commun. Nous avons également de nombreux exemples d’entreprises qui ont investi dans le commerce en ligne. Bien sûr, ils ne pourront pas concurrencer les « gros » déjà en place depuis longtemps, mais l’avenir est tellement incertain que cet investissement est loin d’être inutile.
Les chefs d’entreprises doivent garder le moral et rester positifs. La résignation ne permet pas de sauver une activité et je pense qu’ils en ont conscience. De toute manière, nous sortirons de cette crise sanitaire. La résilience n’est pas la même pour tous les dirigeants, mais je reste impressionnée par la force de caractère des entrepreneurs qui se battent tous les jours ».
(#) : Existe-t-il de nouveaux dispositifs pour épauler les PME / TPE durant cette crise ?
(A. E) « Oui il y en a eu plusieurs et notamment, la région Île-de-France a mis en place depuis juin dernier une nouvelle aide aux entreprises : le fonds Résilience (https://www.iledefrance.fr/espace-media/fondsresilience/). C’est un prêt à taux zéro qui permet de combler le trou de trésorerie en laissant aux entreprises durement touchées par la crise, un temps de répit (1 an de différé) puis un remboursement échelonné sur plusieurs années.
Nous sommes opérateurs de ce dispositif sur le 93, et nous accompagnons de nouvelles typologies de dirigeants avec des entreprises qui sont parfois très anciennes. Aujourd’hui, nous les accompagnons avec diligence et nous traitons les dossiers en quelques heures, ce qui n’est pas le travail que nous avions l’habitude de faire dans un délai plus long. Après la ville de Paris, le département du 93 est le secteur où nous enregistrons le plus de demandes de ce type ».
(#) : Et vous, comment votre travail de chargée de mission a évolué avec ces confinements successifs et ces nouveaux dispositifs ?
(A. E) « Nous avons forcément dû nous adapter si nous voulions continuer à faire notre travail correctement. Depuis le début de cette crise, je ne compte pas mes heures pour pouvoir rester réactive et le télétravail ne facilite pas les choses. Le premier confinement était plus compliqué avec la gestion des enfants à la maison. Aujourd’hui, je me sens plus efficace, plus productive. Nous apprenons, dans ce nouveau contexte, à nous organiser différemment.
Mais même si la charge de travail est différente, je relativise ma situation par rapport aux chefs d’entreprise. En effet, je suis salariée et cela reste beaucoup plus confortable qu’une place de dirigeant d’entreprise pour qui tout se complique en ce moment…
J’exerce ce métier depuis longtemps, et je prends le temps qu’il faut pour suivre les entreprises et accompagner les projets dans les meilleures conditions. J’ai la chance de rencontrer des gens passionnants, différents et investis. Et je me dois de leur rendre la pareille ».