La crise sanitaire que l’on connait depuis plus d’un an a apporté de grands bouleversements dans notre façon de vivre, que ce soit au niveau personnel ou professionnel. L’une des mesures les plus compliquées à mettre en place concerne le télétravail. Un récent sondage mené par Harris Interactive (avril 2021) révèle que 43 % des actifs ont télétravaillé au moins partiellement entre le 12 et le 18 avril. En parallèle, 47% de ces télétravailleurs estiment se sentir isolés et 34% ressentir plus de stress. Au vu de ces données, on pourrait en arriver à la conclusion que le télétravail est néfaste pour la santé.
Cependant, la réalité est souvent plus complexe qu’elle ne paraît. Cet article a comme objectif, à travers l’énumération de différentes études en psychologie, de traiter de certains facteurs pouvant influencer positivement ou négativement le télétravail.
A savoir que l’ensemble de ces études portent sur des travailleurs et travailleuses dont leur profession leur permet de télétravailler.
Le télétravail, source d’engagement pour les salariés ?
D’un point de vue global, la majorité des études montrent un lien positif entre télétravail et satisfaction du travail (Gajendran & Harrison, 2007 ; Hornung & Glaser, 2009 ; Kelliher & Anderson, 2010 ; Vega et al., 2015). Lorsque les travailleurs ont la possibilité de travailler à distance, ils sont plus satisfaits de leur travail, plus engagés envers leur organisation, et subissent moins de stress lié aux exigences quotidiennes du bureau et des trajets (Kelliher & Anderson, 2010). Paradoxalement, le télétravail peut amener les télétravailleurs à moins d’interactions avec leurs collègues les amenant à moins de soutien social, et par conséquent moins d’engagement au sein de l’entreprise (Xanthopoulou et al., 2009), et une baisse du bien-être (Rothmann, 2008). Un faible soutien social est l’une des causes principales de l’épuisement émotionnel et du mal-être des télétravailleurs (Sardeshmukh et al., 2012 ; Vander Elst et al., 2017).
Le lien entre bien-être et télétravail est surtout lié à certains facteurs, que ce soient des facteurs concernant le télétravailleur (personnalité, valeurs, compétences, …), son milieu professionnel, ou son milieu personnel.
Le profilage des télétravailleurs heureux
Taskin (2003) a révélé un lien positif entre une attitude favorable au télétravail, l’adhésion à des valeurs écologiques ou encore un besoin professionnel d’autonomie, les télétravailleurs disposant de compétences telles que l’autodiscipline, l’auto-motivation, la capacité à travailler seul et une bonne gestion du temps (Baruch, 2000 ; Richardson & McKenna). En revanche, les personnes ayant un grand besoin de supervision et de socialisation sont peu adaptées au télétravail.
L’organisation formelle et/ou informelle
Lorsque le soutien organisationnel est présent, les télétravailleurs se sentent moins isolés socialement (permet de contrer le faible soutien social), ce qui, à son tour, augmente le niveau de satisfaction au travail (Bentley et al., 2016). De même, le développement et le maintien de bonnes relations se sont avérés extrêmement importants pour les niveaux de satisfaction au travail (Fay & Kline, 2012 ; Staples, 2001), et l’engagement organisationnel (Golden & Veiga, 2008). Le fait d’avoir des collègues avec lesquels les individus peuvent communiquer de manière informelle, est associé à un engagement accru envers l’organisation.
La confiance des managers face à l’autonomie responsable
De même, l’autonomie dont disposent les télétravailleurs est également un des facteurs les plus importants dans la satisfaction du télétravail (Gajendran & Harrison, 2007 ; Hornung & Glaser, 2009), réduisant l’épuisement émotionnel (Sardeshmukh et al., 2012). Lorsque le télétravailleur dispose d’une autonomie dans la gestion de ces horaires de travail, cela permettrait un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle (Taskin & Delobbe, 2002). Il faut donc faire attention car les supérieurs hiérarchiques peuvent avoir tendance à effectuer une supervision accrue lorsque les employés sont en télétravail. Ce genre de comportement peut impacter négativement l’autonomie (du moins le sentiment d’autonomie) dont peut bénéficier le télétravailleur ainsi que la relation de confiance entre celui-ci et son supérieur (Sewell & Taskin, 2015). Au contraire, si les employés perçoivent une confiance de la part de l’entreprise à leur égard les amène à plus d’engagement organisationnel (Harker Martin & MacDonnell, 2012). Un autre aspect à prendre en compte concerne la flexibilité dont disposent les télétravailleurs. Plus ils disposent de flexibilité, plus ils bénéficiaient d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, d’une autonomie professionnelle et d’une communication efficace, augmentant ainsi leur bien-être (Ter Hoeven & Van Zoonen, 2015). Néanmoins, d’autres recherches ont suggéré que les individus qui ont recours à des pratiques de travail à distance peuvent fréquemment éprouver des sentiments de culpabilité (Moe & Shandy, 2010) les amenant à intensifier leur activité professionnelle (Kelliher & Anderson, 2010). Par exemple, les télétravailleurs peuvent adopter des comportements tels que l’échange d’e-mails en dehors des heures de travail, une pratique qui a été liée au stress (Chesley, 2014) et à des limites floues entre vie privée et vie professionnelle (Tietze & Musson, 2005).
Le professionnelle et vie privée : gare aux conflits de frontière
Ainsi, un des aspects négatifs parmi les plus important du télétravail concerne cette absence de frontière nette entre vie privée et vie professionnelle, pouvant causer des conflits entre le travail et la famille (Raghuram et al., 2001) engendrant de l’épuisement émotionnel (Golden, 2012), des émotions négatives et de la fatigue (Sonnentag et al., 2008). Enfin, un autre facteur à prendre en compte concerne le matériel à disposition du télétravailleur. Un matériel non-adapté engendre de nombreux maux physiques (Beauregard et al., 2013 ; Montreuil & Lippel, 2003) pouvant impacter négativement la santé aussi bien physique que mentale du télétravailleur d’où la nécessité de fournir le matériel adéquat au télétravailleur.
En conclusion
Au final, que retenir de ces différentes études ? Le télétravail n’est en soit, ni mauvais, ni bien. Cela dépend de nombreux facteurs dont ceux cités ci-dessus. Cette crise sanitaire a obligé les différentes entreprises et milieux organisationnels à réagir dans l’urgence, sans forcément avoir eu le temps et les ressources nécessaires pour adopter les bonnes mesures. En espérant que cette revue de littérature aidera à prendre les bonnes décisions.
Photo by Joshua Hoehne on Unsplash
En téléchargement notre enquête santé mentale
>> Téléchargez le contenu intégral de cette enquête : « les enseignements de la crise du Covid » en remplissant le formulaire ci-contre.
Enquête réalisée la plateforme Forhuman Connect ® sur près de 3 000 répondants.